VENEZ VIRER LES MOUCHES
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J’ai passé mon enfance à Paddy près
d’Issoudun (Indre). Je suis issue d’une famille de
cultivateurs. Mon père était maréchal-ferrant et ma mère
s’occupait de la maison. J’avais une soeur de quatorze ans mon
aînée. J’ai vu le jour le 31 décembre 1917 à
Poncet, dans la maison familiale. Ma soeur et moi allions à l’école
à pied avec des sabots, il y avait 3 km qui nous séparaient
de Paddy où se trouvait l’école. Il y avait quatre
classes. On se munissait le matin d’un petit sac en tissu où
nous mettions un peu de pain, de quoi manger pour midi. L’hiver, tous
les enfants se réunissaient autour du poêle pour déjeuner.
Mon père était le seul maréchal-ferrant de la région.
Il recevait ainsi tous les chevaux des domaines avoisinants. Le plus fort
domaine du coin s’appelait Xaintes. Il travaillait très dur, il s’y était
habitué, les hommes des domaines appréciaient le travail de
mon père. Il enlevait la corne des sabots des chevaux qui était
trop longue et mettait ensuite un fer à cheval, je l’ai
souvent vu faire.
Mon père nous disait souvent à ma soeur
et à moi “Venez virer ces mouches
!”... Cela nous agaçait de voir
toutes ces mouches autour des chevaux. N’obéissant pas
toujours de bonne grâce, nous prenions une queue de cheval que nous
attachions à un bâton et ensuite, il fallait frapper le corps
des chevaux sans s’arrêter pour chasser les mouches. Tous les
dimanches matins, nous étions de corvée pour “Virer ces mouches”. C’était
ce jour-là que mon père avait le plus de travail, les hommes
ne travaillant pas dans les champs le dimanche, alors ils nous amenaient
les chevaux à ferrer. Il y avait beaucoup de chevaux attachés
autour de la maison ce jour-là !
Puis, avec le modernisme, il y eut de moins en moins
de chevaux autour de la maison, les tracteurs avaient commencé à
les remplacer, jusqu’au jour où ma soeur et moi n’avions
plus besoin d’aller “Virer les
mouches”...
Elise DOUCET (79 ans)