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Mamie Yvonne
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Mathieu est âgé de neuf ans, il est très éveillé et curieux de l’histoire de ses aïeux. Aussi au cours d’une visite à mamie Yvonne, il décide de la questionner. Son arrière-grand-mère est un puits de science sur ce sujet.

Mathieu : Dis mamie, comment c’était dans ta maison quand tu étais petite ?
Mamie Yvonne : Quand j’étais petite, mon p’tit garçon, on s’éclairait à la lampe à pétrole mais le plus souvent à la bougie. Et du temps de ma grand-mère, c’était à la pétrelle. C’est un morceau de tresse de coton trempé dans du suif. Puis, on l’allumait et la mettait dans la cheminée ou on l’accrochait à la porte du four. Pour faire la cuisine, ce n’était pas compliqué, on n’avait qu’une cheminée avec un quéniard.
Mathieu : Un quéniard, qu’est-ce que c’est mamie ?
Mamie Yvonne : C’est un réchaud. On mettait des braises dedans, des braises du feu, et quand on en n’avait pas assez, on allait en chercher chez le boulanger, un plein panier pour deux sous.
Mathieu : Dis mamie, est-ce que tu te rappelles de tes grands-parents ?
Mamie Yvonne : Mes grands-parents vivaient au bourg de Briantes, je ne demeurais pas loin de chez eux. Mon grand-père était forgeron et j’allais souvent le voir à la forge. II y avait beaucoup de choses, l’enclume, un gros soufflet où il y avait une poignée et j’aimais bien tirer dessus pour souffler le feu. II mettait les outils dedans pour les réparer. II les faisait chauffer et après les trempait dans l’eau.
Mathieu : Où était-elle la forge, mamie ?
Mamie Yvonne : À Briantes où je me suis élevée. Après, le grand-père, quand il est devenu vieux, il ne pouvait plus s’en occuper, alors il la laissa à l’oncle Louis. Mes grands-parents sont morts en 1913 et c’est ma tante, leur fille, qui a récupéré leur maison.
Mathieu : Et dis mamie, où habitais-tu ?
Mamie Yvonne : Notre maison était tout près de l’église. On était en location et on payait 75 francs par an. Avec ma tante, nous élevions des poules et des lapins. Quand on en avait à vendre, on allait au marché à la Châtre, à cinq kilomètres de chez nous. On empruntait un bourricot et une carriole et on allait vendre les lapins, les poules, les oeufs, les fromages. On marchandait pour avoir le meilleur marché possible.
Mathieu : Et les jeux, mamie ? À quoi t’amusais-tu ?
Mamie Yvonne : Ah ! Ce n’était pas les mêmes que vous ! J’avais un jeu de patience, c’était des morceaux de bois peints que l’on mettait les uns à côté des autres. Je jouais avec une poupée en caoutchouc, une petite grenouille que l’on tirait avec une ficelle. Je possédais une poupée en porcelaine mais avec elle, je n’avais pas le droit de jouer. Elle était trop belle et trop fragile !
Mathieu : Allais-tu au cinéma quand tu étais petite, mamie ?
Mamie Yvonne : Oh ! Mon petit, il n’y avait pas de cinéma à Briantes. Mais avec ma tante, je me rappelle avoir été au cinéma à Châteauroux voir Charlot, tu le connais ? Je t’assure que j’avais bien ri. C’était un film muet avec des inscriptions en bas de l’image, et moi je les lisais, et je riais tout plein.
Mathieu : Et les fêtes, c’était comment ?
Mamie Yvonne : Oh ! les fêtes, il y en avait pour diverses occasions. Par exemple, pour le mardi-gras, il y avait toujours une petite fête au village. On promenait “le bœuf villé” dans les rues du bourg. C’est un boeuf bien gras, bien dodu et que l’on tuait pour le mardi gras. Le dimanche, on passait faire le tour du bourg. Le bœuf était décoré avec des fleurs, des rubans, des cocardes, et il y avait un musicien devant qui accompagnait le cortège. Quand le tour était fini, le malheureux boeuf allait à l’abattoir, c’est lui qu’on mangeait le mardi-gras. Ce jour-là, tout le monde achetait un morceau de viande, tu penses ! C’était du temps de ma grand-mère ! On faisait la fête toute la journée et une partie de la nuit. Le mercredi, comme c’était le carême, on jetait tout ce qui restait en viande et pourtant, on ne gagnait pas beaucoup en ce temps-là. Mais cela ne nous empêchait pas de la jeter, pour ne pas en manger pendant le carême. Je me souviens de mon oncle qui allait faire la moisson, il partait à quatre heures du matin et revenait à 10 heures du soir pour gagner cent sous. On gagnait vraiment peu en ce temps-là. Il gagnait beaucoup moins l’hiver, un franc à un franc cinquante par jour. Tu vois Mathieu, des histoires je pourrais t’en raconter plein d’autres, mais je vais arrêter là pour aujourd’hui. Quand tu reviendras me voir, je te parlerai de ma grand-mère Jeanne lorsqu’elle a voulu me faire sauter un riau (= un ruisseau).



Yvonne ALAPETITE (92 ans)



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