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NOTRE ÉCOLE VERS 1910
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Nous sommes le mercredi 5 janvier 1910, dans le petit village de Baraize près d’Eguzon, il est 5 heures 30. À 5 km de là, dans une ferme, Jean, 9 ans, se réveille. La chambre est une grande pièce commune où se trouve un grand lit en bois entouré d’un rideau : le lit des parents. Un peu en retrait, un autre lit, où dorment Jean et son frère Fernand. Puis dans le fond de la pièce, celui de Marie-Louise, 13 ans, la grande soeur qui a eu son certificat d’études l’année dernière. Maintenant, elle reste à la maison pour aider ses parents.

Le lit de Jean est constitué d’une paillasse, bourrée de paille de seigle. Sur cette paillasse, il y a une couette en plume d’oie sur laquelle les deux frères sont confortablement couchés. Un drap et un édredon en plume d’oie les recou-vrent. Qu’ils sont bien dans ce lit douillet ! Mais voilà, il faut se lever... Malgré les petits cristaux de glace qui se sont formés sur la fenêtre, Jean aperçoit le paysage enneigé.

Brr !... Qu’il fait froid !... Allez vite, courage ! Le plus dur, c’est la toilette ! À l’aide d’un broc et d’une cuvette, Jean se lave à l’eau froide et enfile rapidement ses vêtements (caleçon, grandes chaussettes, culotte courte, chemise, pull, tablier noir appelé “sarrau” et aux pieds des sabots).
Avant de quitter la chambre, il regarde avec envie son petit frère bien au chaud sous l’édredon. Fernand ne va pas à l’école ; il n’a que 4 ans. Il n’y a pas de maternelle en campagne.

Jean se dirige vers la cuisine, la pièce principale. Sa mère fait griller une tartine de pain de campagne dans la grande cheminée qui se trouve au fond de la pièce. Il s’installe à la table familiale (table et banc en bois). Il prend son petit déjeuner qui se compose d’une assiette de soupe de légumes et d’un morceau de fromage qu’il étale sur sa tranche de pain grillée. Son repas pris, Jean met son capuchon, son écharpe, son  béret et va aider son père qui soigne les bêtes à l’étable. Il est 6 h 30 ; Jean doit partir à l’école. Il ramasse son cartable et sa gamelle dans laquelle sa mère lui a préparé son déjeuner.  Son école se trouve à 5 km.  Sur le chemin, il rencontre Pierre, un peu plus loin Paul et sa petite soeur Aline.

Le trajet est long, il fait encore nuit et le silence dans la campagne enneigée est impressionnant. Nos amis chantent à tue-tête pour se donner du courage. Puis, chemin faisant, les parties de jeux commencent. Ils font des batailles de boules de neige, mais leur plus grand plaisir est de s’amuser à faire “leur portrait” dans la neige en se laissant tomber en avant.
Enfin, on aperçoit le clocher du village. Les enfants retrouvent le bosquet où ils ont l’habitude de déposer leurs sabots boueux, et se chaussant de leurs galoches qu’ils ont fait suivre. Ainsi, ils ont maintenant les pieds au sec et peuvent arriver les souliers propres à l’école.    

Huit heures, la cloche sonne, Aline se dirige vers l’école des filles et nos deux compagnons vers celle des garçons. Dans la cour, il faut se mettre en rang deux par deux et enlever son béret. Le maître regarde la tête de chaque élève (poux !), les mains de Jules sont sales, le maître lui  dit d’aller les laver dans le baquet au fond de la cour. Ensuite, les enfants  ren-trent, toujours deux par deux, et s’installent à leur pupitre. Le maître fait l’appel, assis derrière son bureau qui est posé sur une estrade, afin de mieux surveiller ses élèves.
Dans la classe, il y a 4 divisions (4 niveaux différents). Une rangée d’élèves correspond à une division. Jean se situe dans la deuxième division. Comme tous les matins, on commence par la leçon de morale. On apprend la politesse et le respect de l’autre. Le maître inscrit une maxime au grand tableau noir.  Jean remue ses orteils gelés. Le gros poêle à bois au  fond de la classe réchauffe tout doucement la pièce. Henri, un copain qui habite au village, l’a allumé en arrivant. La semaine prochaine ce sera le tour de Camille.

C’est l’heure de la dictée. De son pupitre Jean sort  son plumier contenant deux porte-plume, une règle, un crayon et une gomme. Le maître dicte lentement, Jean s’applique. Il prend soin de mettre son buvard sous sa main et d’essuyer chaque ligne qu’il a écrite, pour ne pas faire de tache d’encre : le maître est très sévère ! Lorsque la plume est sèche, Jean la trempe dans l’encrier en porcelaine blanche qui se trouve en haut à droite de son pupitre. Ah ! cette fois la plume a trop d’encre ! Il faut l’essuyer un peu sur le buvard : que de précautions à prendre ! Ensuite, la leçon de calcul. Il est important de bien connaître ses tables de multiplication. La cloche sonne, c’est la récréation. Jean sort de la classe, reprend son capuchon et se dirige vers le préau pour jouer aux billes, la cour est trop enneigée. De retour dans la classe, le maître a prévu une composition d’histoire. Les cahiers mensuels sont déjà sur les pupitres et les questions inscrites  au tableau. Les élèves sont silencieux. Tout à coup Jean sursaute, le maître se fâche. Un élève a voulu copier sur son voisin. Comme punition, il restera ce soir après la classe pour faire des lignes. Les punitions sont fréquentes (aller au piquet, se faire taper sur les doigts avec la règle, tirer les cheveux...).
Après la composition, les enfants déposent leur gamelle sur le poêle pour réchauffer leur repas. La cloche sonne, il est midi. Jean sort acheter chez l’épicier de quoi compléter son déjeuner. Il n’a que deux sous en poche, donc il lui faudra choisir entre les sardines à deux sous ou bien le “chocolat tortillé” à la crème à un sou. Son choix fait, il retourne dans la classe, s’installe près du poêle et ouvre sa gamelle pour déguster son repas chaud (ragoût de pommes de terre et lard). La pause du déjeuner terminée, les enfants  sortent pour la récréation.

À 13 h 30, la cloche sonne, il faut retourner travailler. Cet après-midi, le programme est grammaire et récitation. Jean connaît bien sa récitation. Il la récite, debout à côté de son pupitre. Le maître le félicite, puis il donne les devoirs à faire pour vendredi. Demain jeudi, il n’y a pas classe. Jean attend ce jour avec impatience, sa cousine Marie vient passer la journée avec lui. Marie habite en ville, elle a toujours plein de choses intéressantes à lui dire : son école est si différente ! Marie n’a pas besoin de se lever tôt car sa maison est près de l’école. Cela lui permet de déjeuner tous les jours chez elle. Jean aime l’entendre raconter cette vie moderne.

À 15 h 30, le maître laisse partir Jean et ses camarades qui habitent au loin. Sortie une demi-heure plus tôt, car à cette saison la nuit tombe vite, la route est longue et difficile. Pierre, Paul, Aline et Jean récupèrent leurs sabots sous le bosquet et reprennent le chemin du retour.

Vers 16 h 30, il fait déjà nuit. Les ombres des arbres et le hululement d’une chouette leur font presser le pas. La neige a fondu, les sentiers sont boueux et ralentissent la marche d’Aline, malgré le soutien des garçons. Enfin, elle aperçoit une faible lueur qui lui indique la proximité de sa maison. Paul et Aline font un petit signe pour dire “au revoir” à leurs amis qui continuent leur chemin. Puis, Pierre arrive chez lui, laisse Jean finir seul le trajet.
Quelques minutes plus tard, il retrouve avec joie l’ambiance familiale. Sa mère et sa soeur reprisent les chaussettes à la lueur d’une lampe à pétrole. Son petit frère joue avec une charrette en bois confectionnée par son père. Dans la cheminée une marmite dégage une bonne odeur de soupe de légumes. Jean raconte sa journée scolaire puis sort aider son père avant le dîner. Ce soir, ils ne veulent pas souper trop tard, une veillée les attend chez les voisins.
Pendant cette veillée, tout le monde se mettra au travail. Même les enfants participeront, ils éplucheront les châtaignes (ramassées à l’automne et conservées sous la paille dans un hangar). Les adultes casseront les noix (pour faire de l’huile). Jean aime beaucoup les veillées lorsque les anciens racontent des histoires. Il y a celles du village et les commérages, mais il se passionne surtout pour les histoires de loups du grand-père. Quelques fois sa mère chante avec la grand-mère. Jean se frotte les yeux , il essaie de lutter, mais le sommeil le gagne. Il est tard, petit Jean s’est endormi ...




Cette histoire a été écrite par
 Dominique GAUTRON et Patricia CHAUMONT
avec les propos des participants d’un groupe de conversation.


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