IL Y A SOIXANTE-DIX ANS
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Dans ma prime jeunesse, dans les années
1919-1921, j’ai assisté à l’évolution de
la vie. L’éclairage des rues était réalisé
par des becs de gaz qui ne donnaient qu’une petite lumière.
Tous les soirs un petit bonhomme avec un grand bâton de 2,50 mètres
à 3 mètres de longueur muni d’un petit chapeau à
son extrémité allumait et éteignait les becs de gaz.
Le soir à 10 heures extinction des feux !
L’éclairage à l’intérieur
des maisons se faisait avec une lampe à pétrole, il fallait être
dessus pour voir clair. On devait mettre souvent du pétrole dans la
lampe. Si la mèche n’était pas nettoyée, elle dégageait
une fumée noire qui noircissait tout le verre et empestait l’endroit
d’une odeur de pétrole. Pour changer de pièce, il
fallait emporter une bougie ou une lampe.
C’était avec une cuisinière à
charbon ou au bois que l’on faisait la cuisine et, qu’on se
chauffait. Il fallait très souvent remettre du charbon ou du bois.
Pour entretenir le feu, tous les matins on devait débourrer la
cuisinière avec un crochet, faisant ainsi tomber la cendre dans un
tiroir. Celle-ci faisait une poussière qui salissait toute la
maison.
L’été, nous avions des petits
canards, pour faire la cuisine dehors. On mettait du charbon de bois qui dégageait
une odeur de fumée qui nous gênait beaucoup pour respirer. Il
fallait beaucoup le surveiller, le charbon ne tenait pas, avec un soufflet,
on ranimait la flamme.
Nous mettions les fers à repasser sur le feu
avant le repassage. On l’approchait de notre joue, s’il était
trop chaud, on attendait qu’il refroidisse, c’était le
moyen de contrôle.
Nous avions des galoches pour aller à l’école,
c’était une chaussure en cuir avec une semelle en bois. On
clouait de gros clous à bouts carrés ou un fer à
cheval, la chaussure était très lourde.
Chez ma grand-mère, dans les années
1925, il y avait les feux de cheminée, où l’on mettait
un poulet à cuire à la broche. Le poulet était délicieux.
On suspendait dans la cheminée, au milieu des flammes, un chaudron
en fonte pour faire cuire la soupe ou les châtaignes. Quand le temps était
à la pluie, le vent renvoyait la fumée dans la maison, elle
nous suffoquait, il fallait ouvrir la porte. Ce feu chantant et pétil-lant
était très agréable. Cette petite musique nous berçait,
et nous passions de belles veillées.
Un garde-manger nous servait de frigidaire, il avait
la forme d’une boîte toute grillagée, que l’on
suspendait dans la cave (les caves voûtées étaient
froides et conservaient la nourriture).
La religion s’est modernisée. À l’époque,
il existait des reposoirs dans les rues. C’étaient des bancs
recouverts par un grand drap bien blanc parsemé de fleurs
naturelles, des pots de fleurs, une croix suspendue en haut avec le Christ,
il n’y avait qu’à attendre la procession. En tête
de ce cortège, il y avait le curé et ses enfants de chœur
qui chantaient des chants religieux, des enfants jetaient des pétales
de roses, tout le long du chemin qui arrivait au reposoir. Le prêtre
bénissait les gens et repartait à l’église, tout
le monde se dispersait. Quand on n’a pas vécu les années
1910 à 1940, on ne peut pas se rendre compte comme on est heureux
avec ce modernisme.
Simone LéVY-LORY (83 ans)