La raison d’être...
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Bien que je préfère tremper ma plume
dans la vie plutôt que dans l’encrier (pardon M. Blaise
Cendrars), je me devais de la prendre en votre nom, personnes âgées
des Grands-Chênes avec qui j’ai eu le grand privilège de
vivre une aventure extraordinaire : la naissance de La Voix des Grands-Chênes.
Vous vous êtes révélés des êtres
exeptionnels luttant jour après jour avec beaucoup de conviction
pour faire vivre ce journal, prouvant ainsi à cette société
trop souvent ingrate à votre égard que vous étiez
encore utiles par la transmission de votre existence aux autres.
Soignante depuis 23 ans, vivant à vos côtés
au quotidien, témoin de vos souffrances tant sur le plan physique
que moral, de cet isolement qui vous ronge un peu plus chaque jour, de
cette détresse, de ce vide immense au fond de vos regards, en quête
tout simplement d’écoute, d’attention, de respect et de
dignité, ce que vous êtes en droit d’attendre de chacun
et qui fait souvent défaut dans ce monde d’incohérence.
Je fais le triste constat que plus l’on parle d’humanisation
dans les institutions, d’évolution grâce aux nouvelles
technologies, moins l’on prend en compte la relation humaine car
celle-ci ne rapporte pas assez, et je le déplore profondément.
Il y a 20 ans l’animation n’existait pas
dans le service de longs et moyens séjours où je travaillais.
Aussi grâce au soutien de la surveillante et du médecin-chef,
j’ai pu mettre en place différents ateliers thérapeutiques
sans aucun moyen à l’époque tant sur le plan humain que
matériel.
L’atelier de Pâte à Sel vous a
permis de surmonter et dépasser vos différents
handicaps me donnant ainsi une belle leçon de courage. Vous faisant
prendre conscience petit à petit qu’ensemble vous étiez
capables de réaliser un travail en commun, créant ainsi une
dynamique de groupe où chacun prenait plaisir de se retrouver à
chaque séance, et quelle fierté devant l’oeuvre terminée
!
Les séances de musicothérapie mises en
place par le psychologue vous ont donné la possibilité de
vous évader de votre quotidien et de vous exprimer, faisant
travailler ainsi votre mémoire. J’ai souvent pu constater
pendant toutes ces années combien votre imagination pouvait être
fertile et surtout le plaisir que vous aviez à revenir à
chaque séance.
Les quatre années d’intergénération
vous firent vivre des moments forts chargés d’émotions
où une relation profonde naquit entre des enfants de C.M.2 de
l’école Victor-Hugo de Châteauroux et vous personnes âgées
des Grands-Chênes. Les rapports furent individuels entre le vieil
homme et l’enfant, et non collectifs... Une histoire d’Amour
tout simplement !
Parallèlement, les groupes de conversations
virent le jour avec la collaboration et le soutien du psychologue ainsi qu’une
collègue aide-soignante et nous menèrent tout
naturellement à créer ensemble le journal “La Voix des Grands- Chênes”.
Mais voilà, quand tout va bien, il y a toujours
un grain de sable qui essaie de nuire à son bon fonctionnement. Ce
fut le cas avec la prise de position de la direction de l’établissement
qui ne voulut pas reconnaître La Voix
des Grands-Chênes comme activité
d’établissement !!!! Il n’y a pas de mot... Quel gâchis,
alors que notre action a depuis 1992 été primée et
reconnue par différents organismes comme : la C.R.A.M, la Fondation
de France, le C.G.O.S., le Syndicat de la Presse Sociale, la Caisse d’Epargne,
la Fondation SAFIR, le Conservatoire Francophone des Journaux d’établissements
et AOL pour la meilleur page WEB.
Le journal naquit de la mise en place du premier
groupe de conversation. Je me rappelle encore comment vous avez adopté
la couverture du journal, avec une telle effervescence !!! Ce
souvenir-là reste intact dans ma mémoire, tous vos regards émerveillés,
lumineux, avides d’aller encore plus loin ensemble, se sentant enfin
valorisés par l’importance que nous vous avons donnée
tout simplement en passant beaucoup de temps à vous écouter...
Un vrai travail de fourmi ! Tout ce travail fastidieux qui a permis le
recueil de nos premiers articles...On oublie trop vite tous ces regards !
Ces échanges si intenses...
Ce temps-là n’est pas chiffrable, nous
faisons dans l’humain pas dans l’administratif... Difficile à
comprendre pour un gestionnaire ... mais cela ne donne pas le droit à
quiconque de refaire l’histoire et de détruire ce qui a eu le
mérite d’exister par respect pour ces hommes et ces femmes qui
ont su participer avec fougue et conviction à chaque étape du
journal. Le premier numéro du journal est celui que j’affectionne
le plus, il a eu le mérite d’avoir réalisé le
pas de géant qui nous a entrainés jusqu’à notre
ultime n° 15. La loi du plus fort doit-elle l’emporter sur celle
du juste ?
Vous êtes toujours présents dans mon
coeur, vous qui avez fait l’histoire de La
Voix des Grands-Chênes : Marguerite,
Jean, Aline, Fernand, Roger, Robert, Marcelle, Ernest, Virginie et tous les
autres. Vous m’avez apporté plus que je n’ai pu vous
donner. Vous avez tant compté ! Tout ce vécu, ces échanges
intenses resteront gravés à jamais en moi.
Je tiens à rendre hommage à Patrice Le
Bail qui a su toujours être présent pour mener à bien
notre action, avec beaucoup d’humanité et d’humilité,
cela a été un véritable travail d’équipe.
Je dédie ces deux poèmes à
Virginie Gendreau, en hommage à l’intergénération,
et à Marie-Angèle Prosvost surveillante du service, fidèle
alliée dans notre combat pour La Voix
des Grands-Chênes, qui a pris une retraite
bien méritée en décembre 1997. Le dernier numéro
de La Voix des Grands-Chênes est paru en décembre 1999.
VIRGINIE
Virginie nous a conté cette histoire d’antan,
Et puis brusquement,
Virginie a mis les voiles au vent
Vers le soleil couchant.
Juste le temps pour Virginie
De découvrir avec ravissement,
L’enfant qui, spontanément
Lui ouvrit son coeur attendri.
Sourires complices,
Yeux pleins de malice,
Mains enlacées, gestes prévenants,
Tendre harmonie de ces scènes étonnantes.
Têtes blanches mémoire vivantes
Têtes blondes souffle stimulant
Véritables échanges intergénérations
Mélés de regards plein d’attention.
Et puis brusquement,
Virginie a mis les voiles au vent
Vers le soleil couchant
Laissant aux petits et grands
Un regard différent
De l’encre sur une page
Un solide point d’ancrage.
Virginie GENDREAU (82 ans) s’en est allée
brusquement le 11 décembre 1995, cinq jours
après
une rencontre en l’école de Jason, son
petit correspondant.
VINGT ANNEES
De tout ce temps passé,
À partager, écouter, soulager les
personnes âgées
De votre confiance si souvent témoignée
Avec beaucoup d’humanité et d’humilité,
Ont vu le jour
Tour à tour
La Pâte à Sel tant appréciée des personnes âgées
L’Intergénération, avec ses moments plein d’émotions.
La Voix des Grands-Chênes,
Afin de briser les chaînes
De la solitude et de l’exclusion.
Et si certains n’ont pas compris, et bien tant
pis,
Balayez les conflits, finies les mesquineries.
Au quai des Grands-Chênes,
Le temps est venu de larguer les amarres du navire
Avec en cargaison vos meilleurs souvenirs,
De vraies valeurs à jamais ancrées.
Hissez la grand-voile l’esprit libéré,
Cap vers une nouvelle vie
Après Vingt Années bien remplies.
Kenavo !
Patricia CHAUMONT
Aide-soignante
Co-fondatrice de l’association
“La Voix des
Grands-Chênes”