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LA FABRICATION DU PAIN

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Je suis né dans le petit village de la commune de Toulx-Sainte-Croix, dans la Creuse, le 11 mars 1910. Un petit village où il y avait quatre foyers. À cette époque, on se suffisait à la ferme. On vivait sur douze hectares de terre. On semait le blé, on le récoltait, le battait au fléau... Les batteuses n’existaient pas encore. Le blé nettoyé, on l’emmenait par cinquante kilos dans une minoterie pour en extraire la farine. Quelquefois, on n’arrivait pas à faire la soudure avec le blé, alors on mélangeait de la farine de seigle pour l’allonger.
On vivait uniquement sur les produits de la ferme. On avait des poules, des lapins, des vaches. Mes parents faisaient du beurre. On mangeait les oeufs de poules. C’était la fête quand ma mère cuisinait un poulet de temps en temps ! C’est à elle que revenait la tâche de faire le pain. Elle pétrissait la pâte dans une huche. Après, elle la coupait en morceaux, et puis elle les mettait dans des corbeilles que nous avions fabriquées. Celles-ci restaient au chaud pendant une demi-journée, pour que la pâte lève. On ne mettait pas de levure, mais du levain qu’on obtenait de la sorte : ma mère prélevait un peu de pâte qu’elle conservait dans une écuelle pendant quinze jours, celle-ci devenait aigre, et formait ainsi le levain pour la nouvelle fournée.
Toutes les maisons avaient un four voûté avec des briques réfractaires. Ma mère le chauffait pour le nettoyer quand il était chaud, avec les cendres qui brûlaient la figure. C’était un sacré travail ! Quand la pâte était levée, ma mère la posait sur une pelle en bois spéciale avec un long manche. Le four chauffé à point, il fallait compter une heure de cuisson en veillant que la croûte ne brûle pas trop. Pour la retirer, elle se servait de la pelle en bois. Elle faisait au moins cinq fournées de pains pour quinze jours de consommation. Inutile de préciser que le quinzième jour, il pouvait être un peu moisi !

Sur la commune, il n’y avait qu’un boulanger... À Boussac, à cinq kilomètres que l’on faisait à pied parce qu’il n’y avait que peu de vélos. Il ne vendait pas beaucoup de pains car tout le monde le fabriquait.

Ah ! ce n’était pas la vie de maintenant, tout a changé en peu de temps. Enfin, on se trouvait heureux à cette époque !


Marcel PIGNOT (86 ans)


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