La couture
ET FILE, FILE LA LAINE
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La tonte de l’épaisse toison des moutons
se faisait sous les mains des personnes spécialisées, mais il
faut aussi penser aux heures de travail minutieux que nous passions à
filer la laine, quenouille et fuseau entre les genoux au coin du feu. En ce
temps-là, on ne rechignait pas sur le travail, car c’était
bien dur. D’abord, on attrapait la laine vierge après la tonte
des moutons. Ensuite, on la faisait tremper pendant deux jours dans des
baquets pour la dégrossir, c’est-à-dire pour enlever
les saletés. Puis, on allait la rincer à la rivière...
Elle devait être fine et presque transparente. On la faisait sécher
avec une immense précaution sur les “bouchures” ou sur des grands
draps. Celle qui avait un grain très fin était très
recherchée, le prix n’était pas le même ! On ne mélangeait
pas la laine, on la triait par catégorie. Il fallait charpir la
laine, c’est-à-dire l’étirer doucement entre les
doigts pour détacher les brins et la rendre plus légère
pour le filage. Ce travail était très long. Certaines
personnes allaient porter des ballots de laine blanche à la carderie
dans la Creuse. Parfois, on vendait la laine directement chez l’acheteur
qui en profitait un peu. Elle était le plus souvent filée
dans sa couleur naturelle. Parfois, on la teignait avec des écorces
de noix dans de l'eau que l’on mettait à chauffer à la
chaudière dans une “casse”. Elle en ressortait marron. Sous nos doigts agiles,
on magnait la quenouille et le fuseau avec doigté. Peu à peu,
la laine prenait l’aspect d’un fil fin. On se servait aussi d’un
rouet. Après avoir filé la laine, nous la mettions en écheveaux
ou en petites pelotes prêtes à tricoter. Nous faisions de
bonnes provisions de laine pour tricoter les vêtements de la famille
(châles, chaussettes, gants, petits chaussons pour les sabots).
Louise RAVEAU (90 ans)