La guerre de 1870-1871
LA DESTINéE
D’UN ENFANT NATUREL
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Mon grand-père maternel n’était
pas né sous une bonne étoile. Enfant de l’assistance
publique, délaissé volontairement par sa mère, il dut
partir pour sept ans au service militaire. Faute, comme il était d’usage,
de payer une autre personne pour partir à sa place.
Les jeunes étaient appelés pour servir
sous les drapeaux par tirage au sort. Sur ces entrefaites, il fit la guerre
de 1870-1871, à titre de Grenadier de la Garde. À la défaite de
Sedan, suite à la trahison de Bazaine, il fut prisonnier et emmené
au fin fond de la Prusse par les Uhlans (régiment de lanciers
allemands très durs). Il avait laissé dans la Creuse sa très
jeune fiancée.
La guerre terminée, tous les soldats
rentraient dans leur foyer, sauf mon grand-père... Le croyant décédé,
sa mère avait fait l’effort de faire dire une messe, pour le
repos de son âme.
Rebondissement, en 1872, il revenait dans sa Creuse
natale. En réalité, il s’était évadé.
Il avait mis un an pour revenir à pied depuis son lieu de captivité.
Grand émoi dans le village où tout le monde le considérait
comme mort ! Quelque temps après, il épousa ma grand-mère.
Ce fut un mariage fructueux : dix enfants.
Les Uhlans avaient beaucoup marqué mon grand-père
qui nous avait raconté qu’une nuit, juste après son évasion,
il était pourchassé par des cavaliers qui le cherchaient. Il
s’était caché dans un fossé rempli d’eau,
et il entendait leurs chevaux passer au-dessus de sa tête... Des
anecdotes de ce genre, il m’en a raconté des centaines.
Comme beaucoup d’hommes de son temps, il est
mort assez jeune sans qu’il fut question de retraite.
Marie-Thérèse SAUVAGET (91 ans)