1914-1918 à ROUEN par Marthe VREL (85 ans)

Entre 1911 et 1914, j’étais l’enfant chérie de la maison. J’avais eu la bonne idée d’être le plus beau bébé de la ville de Rouen ! Alors, j’étais un peu choyée parce que tout le monde me voulait, il paraît que j’étais mignonne... Je veux bien !

J’avais à peu près quatre ans quand la guerre de 1914 s’est déclarée. Cela a été très vite, mes frères aînés sont partis au Front et maman a dû récupérer l’entretien des uniformes. Elle était blanchisseuse, et puis nous étions déjà nom-breux dans notre famille. Maman a élevé dix-sept nourrissons au sein (ses onze enfants plus six autres !)... Elle était très recherchée. Mon père était chef maçon à l’entreprise Prince à Rouen. La guerre, je l’ai vécue avec les bombardements. En effet, les dirigeables appelés “saucisses” survolaient la ville. Mon père nous cachait dans les placards. Souvent, les bombes tombaient sur les maisons et cela faisait de gros trous. Rouen a été très malmenée, vous savez on était au bord de la Seine. Il y avait beaucoup de bateaux, c’était très ouvrier. J’ai le vague souvenir des soldats belges qui avaient des petits pompons sur leur bonnet. On a connu les Américains et les Anglais aussi. Mes frères étaient partis du côté de Ménéaul, Verdun... Nous n’avions pas de nouvelles parce que le courrier ne passait pas ! Quand ils ont été blessés, maman fut avertie par la Mairie. Léon a été gravement blessé à la cuisse, par contre Eugène n’a pas survécu. Enfant, nous ne prenions pas conscience de ce qu’était la guerre... On l’a connue à travers les soldats qui apportaient leur linge à blanchir à maman. Il était difficile d’aller à l’école pendant toute cette période. On aidait maman à charrier l’eau pour ses lessives, et on étendait le linge au clair de lune... On en avait plein les bras !