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TÉMOIN D’UNE ÉPOQUE
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La France ayant perdu la guerre, nous avons été occupés par les Allemands, sous leur emprise nous avons vécu de mauvaises années. C’était la guerre ! Nous avons eu les tickets de viande, de pain, etc. en petite quantité. Le pain nous avait donné la gale. I1 y a eu la milice de Pétain. Tous les “cons” français se sont engagés dans celle-ci pour moucharder, faire du mal car leurs dénonciations envoyaient les bons Français dans des camps où ils étaient fusillés par les Allemands. Les maquisards dénoncés par ces mouchards étaient fusillés sur le champ. Nous écoutions en cachette la radio anglaise, qui nous renseignait sur la situation de la guerre et nous indiquait les différents parachutages à travers des mots de passe, en nous indiquant la date, et si c’était de la nourriture pour les maquis, ou si c’était des Anglais qui venaient en France. Ils étaient cachés chez les habitants ou au maquis. Il fallait le plus grand secret. Si les miliciens les avaient dénoncés aux Allemands, c’était la déportation ou la fusillade sur le champ. Mon père en vieux résistant avait pour mission d’aller voir sur les routes s’il y avait un convoi allemand... Immédiatement, le maquis était averti ainsi que la population qui s’empressait de fermer les magasins et les maisons... On aurait pensé à une ville morte, ce qui contrariait beaucoup les Allemands  qui auraient aimé être reçus à bras ouverts par la population. Mon père prenait son vélo où il avait installé une pelle, pour faire croire qu’il allait à son jardin. Il avait caché des armes à la maison. Un convoi allemand était annoncé... Nous avons en vitesse monté les armes au cimetière avec ma soeur... Nous avons ainsi échappé aux Allemands !

Sur dénonciation d’un milicien, un hôtelier faisant partie de la Résistance a été déporté dans un camp de concentration. Le milicien qui l’a dénoncé était bien connu, c’était un bourgeois qui a fait cela pour de l’argent. Cet hôtelier a été cuisinier dans le camp, ce qui lui donnait une grande liberté et lui a permis de donner à manger à des pauvres déportés qui avaient faim.
Dans les rafles que les gendarmes faisaient pour ramasser les Juifs, il y avait deux gendarmes dont l’un était un bon Français, et l’autre un bon collaborateur, qui ne fermait pas les yeux pour les laisser se sauver. Rue Grande (à Châteauroux), un matin un jeune homme sur son vélo s’en allait à l’école bien tranquillement ; un Allemand se trouvait là, et sans savoir pourquoi il a fusillé ce grand enfant.

I1 y a eu des femmes qui avaient été les maîtresses d’Allemands, comme punition elles ont eu le crâne rasé. Ont-elles été dangereuses ? Toujours est-il qu’un crâne de femme tondu n’est vraiment pas beau... une tête de veau !

Avant la fin de la guerre, j’ai habité à Metz... Alors là, j’ai vu des choses atroces. Les pauvres déportés politiques que les Américains avaient libérés de leur camp. Des hommes et des femmes dans des états misérables, incroyable mais vrai... de vraies loques. Ils nous regardaient avec des yeux de bêtes traquées, comme ils ont vécu dans les camps, les yeux pleins de souffrance nous faisant comprendre combien ils ont souffert des cruautés allemandes, jetant des cris, ou voulant se sauver si par hasard nous faisions un geste, ils étaient toujours sous le régime de la peur. Ils ne réalisaient pas qu’ils étaient libérés. Ils ne se souvenaient pas de leur nom, où ils habitaient, s’ils avaient une famille. Ils traînaient les pieds qui étaient devenus trop lourds à lever. Le corps plié en deux, manquant de forces pour se tenir droit. Ils portaient leurs pyjamas à rayures sales et déchirés ce qui laissait entrevoir des pauvres cuisses de la grosseur d’un poing, un air sauvage et le regard triste. Les Américains les amenaient à la gare, et les dirigeaient vers les hôpitaux parisiens.
J’essaie tant bien que mal... je certifie que mon récit est exact, sans mensonge ni exagération de ma part. Le cinéma et les livres n’ont pas réussi à transcrire cette vérité triste. Heureusement que les maquis ont existé, ils ont beaucoup participé à libérer la France de cette tyrannie allemande pendant la guerre 1939-1945.


Simone LEVY-LORY (85 ans)


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