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FRAGMENT DE VIE
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J'ai été orpheline de guerre à six ans. J’en ai eu un grand chagrin car j’aimais beaucoup mon père. La femme de mon oncle est morte en mettant son enfant au monde. Mon oncle est mort à la guerre. On était donc cinq orphelins. Ma mère ne voulait pas faire de différence entre mes cousins et moi. On se considérait comme frères et sœurs. Ma mère était sévère avec moi, mais elle ne voyait pas l’avenir. Mon institutrice l’avait suppliée de me faire suivre des études, mais elle n’a pas voulu. À Tendu, on était 700 habitants, quand nous allions en classe nous étions 28 à 30. J’ai gardé un bon souvenir de mon institutrice, elle m’a appris beaucoup. À l’école, j’aimais toutes les matières. J’ai eu mon certificat d’études à onze ans. Je l’ai passé à Argenton (Indre). Après cela, j’ai fait deux années à Paris, car ma mère habitait là-bas. C’est ce qui correspond au brevet. J’aimais tout sauf le dessin.

Ensuite, je me suis mariée en 1931. J’avais deux enfants. J’ai pris un moulin, on a pris la suite de mon beau-père. On faisait un peu de culture et un peu d’élevage. On avait un cheval qui labourait et je vendais du lait de vache.
Un soir, en 1943, on frappa à la porte. Un jeune homme se présenta, il me connaissait par le biais de sa mère. Je l’ai hébergé six mois, car il ne pouvait pas être démobilisé. Son frère était le propriétaire du moulin.
Quand mon mari est revenu de guerre en 1945, on a refait toute la clientèle. Mon mari est tombé malade avec la farine qui se collait dans ses poumons. On a cédé le moulin à d’autres personnes, qui ont pris la succession. Après avoir quitté le moulin, je suis retournée à Tendu. J’avais 78 ans. Puis ensuite, j’ai eu des déboires : mort de mon mari, et de l’un de mes fils. Le seul plaisir qui me reste est de voir mon fils, mes deux belles-filles, mes petits-enfants et arrière-petits-enfants.
Ce que je demande est de ne pas trop causer de soucis à ma famille, de pouvoir le plus longtemps possible garder ma raison.


Antoinette LAURIER (87 ans)

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