MES SOUVENIRS
DE L’AUTOMOBILE
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Mon grand âge m’a permis, en 1922, d’assister
à la naissance de l’automobile, d’admirer cette belle
invention indispensable aujourd’hui. Nous courions dans la rue pour
voir passer les automobiles avec une grande envie de monter dedans. Mais
voilà c’était en 1925, la première fois où
je suis montée en voiture. Un ami en possédait une. Pour nous
faire plaisir, il nous a emmenés voir un vieux grand-père de
95 ans (la seule fois où nous l’avons vu !) Il habitait à
une trentaine de kilomètres de chez nous. Nous avons eu le temps d’apprécier
le bien-être que l’auto nous procurait, moins cahoté,
avançant plus vite qu’une hippomobile, ne craignant pas que le
cheval s’emballe. Vers 1925, les autos avaient pris une extension
incroyable. Elles avaient subi le progrès, elles étaient
beaucoup plus douces, moins bruyantes mais toujours très froides
tant que le chauffage n’a pas été installé (c’était,
je pense vers 1940-1950). Ces voitures n’étaient
pas à la portée de toutes les bourses, à part celles des bourgeois
ou industriels.
Nous avions un bon camarade qui en avait acheté
une, très bonne idée ! Le
dimanche, nous partions copains et copines,
dans les bals de campagne ou faire de belles promenades. Il y avait de la
joie tellement qu’un jour le chauffeur perdit le contrôle de la
voiture, tous en chœur, têtes basses via le fossé. Le
choc nous avait tous projetés les uns contre les autres, l’auto
dans le fossé était de biais. Comment sortir ? Par miracle,
une porte s’est ouverte, on nous poussait de l’intérieur,
on nous tirait de l’extérieur, péniblement nous sommes
arrivés à sortir. Un véritable accouchement sans
douleur, mais très pénible. En stop, nous avons regagné
la maison, c’était en 1937. L’auto n’était
toujours pas chauffée.
Dans les mêmes dates, les décapotables,
autos à courant d’air, étaient très agréables
surtout l’hiver, pas de chauffage, juste la capote mise, tous les côtés
étaient ouverts. Quand l’auto roulait, le vent, l’air
froid s’engouffraient dedans. Nous étions littéralement
gelés. Blottis les uns con-tre les autres (ce n’était
pas désagréable), la chaleur que notre corps dégageait
n’arrivait même pas à atténuer ce grand froid,
bien contents nous étions de sortir de cette glacière. Un bon
grog et nous repartions !
La soirée terminée, il fallait
courageusement affronter le grand nord. Ces voitures avantageaient beaucoup
le succès amoureux des garçons... plaît ou plaît
pas ? “Tu as une voiture, tu plais ; pas
de voiture, pas de fille”. Si nous avions
un jour un rendez-vous et qu’il venait à pied ou à vélo,
cachées dans une rue nous le regardions passer, pas question d’y
aller. Dans les années 1930-1940, j’avais vingt ans, la
voiture était plus confortable et chauffée. Elle allait plus
vite, c’était quand même plus agréable.
Maintenant, nous avons des voitures superbes, ne ressemblant pas aux premières.
Grâce à l’auto, j’ai passé entre copains et
copines des moments inoubliables. Depuis la naissance de ces autos, en
cinquante années de temps, elles ont subi un progrès sans précédent
: plus douces, plus rapides et plus chaudes.
Simone LéVY (82 ans)