LOUIS BLÉRIOT À TOURS
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J e me souviens de l’arrivée de Louis Blériot
à Tours, peu après sa traversée de la Manche, en 1910.
J’habitais alors près du jardin botanique, près du
Menneton, qui n’était alors qu’un vaste terrain en
friche, aire de jeux des enfants du quartier mais qui devait ce jour-là
servir de piste d’atterrissage pour celui qui venait d’accomplir
ce grand exploit. Il aurait fallu compter avec l’enthousiasme des
tourangeaux, leur désir de voir ce héros. Donc sur Menneton,
noir de monde, pas question pour Louis Blériot d’atterrir
sur la foule, une seule solution, plonger dans le Cher coulant au bord du
terrain, ce qu’il fit... vite repêché par un service d’ordre,
lui et son appareil sont ramenés tous les deux sur la terre ferme.
Quel succès ! Du délire, et je pense fort que la plupart des
parents avaient plus ou moins perdu de vue leur progéniture. Je fus
récupérée un peu plus tard... Ce grand moment passé,
tout le monde reprenait (à pied bien sûr !) le chemin du
retour. Et nous, les gosses, nous retournions à Menneton dès
le lendemain. Oh, Miracle ! L’aéroplane était
demeuré sur place. Nous en avons évidemment pris
possession... Quel beau joujou ! I1 ne nous fallut pas longtemps pour qu’il
devienne squelette, sa structure de bois et cordages ne résista pas
longtemps à notre esprit de destruction (qui existait déjà
!). Qu’en est-il advenu ensuite ? Je ne me rappelle vraiment plus.
Mais je pense que le constructeur et Louis Blériot ont dû
recevoir un fameux choc en retrouvant cette épave. Les voyages en avion
de plus en plus perfectionnés sont devenus monnaie courante, mais
qui peut maintenant se glorifier d’être monté dans celui
du héros de l’époque ? Bien peu je le crains...
Marie-Thérèse SAUVAGET (91 ans)